Uncategorized

C’est pas ta faute

Il y a quelques films qui ont marqué mon existence. Parmi eux, il y a « Will Hunting ». J’ai vu ce film alors que j’étais ado et j’ai été captivé, sans pour autant tout comprendre, je dois l’avouer. Il y avait quelque chose dans ce film qui raisonnait en moi. A cette époque je ne posais pas plus de question que ça, m’identifiant simplement au personnage principal que je trouvais cool.

En prenant de l’âge de l’expérience 🙂 je fais une nouvelle lecture de cette histoire. De plus en plus, j’arrive à percevoir les subtilités, la profondeur des personnages. Je suis d’ailleurs impressionné que Matt Damon et Ben Affleck aient pu écrire ce scénario à seulement 27 et 25 ans. Avoir ce niveau de réflexion à cet âge, cela me semble juste incroyable.

Petit rappel (très succin) du scénario, Will Hunting (Matt Damon) est un jeune adulte surdoué qui a passé une enfance chaotique, pendant laquelle il est battu et balloté entre les foyers et des familles d’accueil pas très recommandables. Il mène une existence difficile, faite de petits boulots et de séjours au poste de police, jusqu’à ce qu’un éminent mathématicien repère par hasard son incroyable potentiel. Il lui propose alors de travailler avec lui, à condition qu’il accepte de suivre une psychothérapie.

Il y a une scène que j’ai toujours trouvé étrange, que je n’ai jamais réellement comprise. C’est la scène au cours de laquelle Sean Maguire, son psychothérapeute (Robin Williams), répète plusieurs fois à Will, et avec beaucoup de gentillesse : « tout ça, c’est pas ta faute ». Will finit par craquer et fondre en larme dans les bras du psy…je me disais à ce moment là : « c’est du cinéma ».

Je ne comprenais pas comment Will, dans la vie réelle (donc pas au cinéma), aurait pu imaginer, ne serait-ce qu’un seul instant, qu’il pût être (subjonctif imparfait) responsable des atrocités qu’on lui avait fait subir.

Et pourtant…

Il m’arrive comme tout un chacun, de me sentir rejeté, humilié, rabaissé. C’est un sentiment très puissant chez moi, ce qui n’est peut-être pas sans lien avec ma poulpitude. Très souvent, mon premier reflexe est de refouler les émotions qui accompagnent ces sentiments. C’est automatique, je dirais presque inné ! Et pour y parvenir, mon mental est parfaitement au point. En très peu de temps, une avalanche de dénigrements, de jugements de soi déferle dans mes pensées et rendent ces émotions injustifiées, inacceptables, insupportables !

J’en viens à penser que tout est ma faute, que je suis nul. Je m’en veux de ressentir de la colère envers les autres « juste » parce que je me sens humilié, rejeté. Je me sens égoïste et quelques part anormal. Je produis un nombre incalculable de scenarii montrant que j’aurais pu faire différemment, ou comment je vais bien pouvoir faire maintenant pour vivre avec tout ça…

D’une certaine manière, je ressemble un peu à Will dans ces moments là et à bien y réfléchir je pourrais p’être même verser ma larmichette si un psy à qui j’aurais raconté mon histoire finissait par me dire : « tu sais, tout ça, c’est pas ta faute ».

Mais bon, en général ça se passe pas du tout comme ça…j’ai plus l’habitude de ressentir une très grande tension interne, un peu schizophrénique je dois dire, avec d’un coté mes émotions qui font monter la pression et d’un autre mon mental qui, par tous les moyens, cherche à confiner cette pression. Avec mon corps physique dans le rôle de l’enceinte de confinement…Et puis arrive un jours où le corps flanche, la fatigue est trop grande, le moral est trop bas, l’enceinte s’afflaiblie…et patatras !

J’arrive parfois à « observer » ce qui se joue en moi dans ces moments là. Certains appellent ça « faire un pas de côté », « être attentif » ou encore « être conscient ». En pratique, ça consiste à me rendre compte que mon mental est à l’œuvre et je parviens alors à différencier les sensations réelles que j’éprouve de celles qui sont « virtuelles », « synthétiques » et que j’éprouve également. Et c’est bien ça le problème…

Les sensations réelles, tu les connais. Elles sont provoquées par une expérience, vécue dans le présent. L’expérience est captée par tes 5 sens (VAKOG pour les initiés) et traduit en émotion par ton inconscient. C’est le cas pour la joie de retrouver un être cher, ou pour la colère de vivre une situation de rejet.

Les sensations virtuelles, tu les connais également (sisi tu peux me croire). Elles sont provoquées par une projection mentale, une sorte de dimension qui n’appartient qu’à toi et qui te permet de vivre la simulation d’un passé alternatif ou d’un futur hypothétique, de manière complétement virtuelle. Mais tout n’est pas virtuel, car les sensations et les émotions qui en résultent sont bien réelles et tu peux les ressentir de la même manière que celles que tu ressens dans une expérience classique du présent. S’imaginer en train de manger un met délicieux te fait à coup sûr saliver comme si tu étais à table en train de le manger. Penser à un être cher disparu te rendra triste et te donnera envie de pleurer peut-être pendant des années. Une pensée érotique te fait à coup sûr…enfin tu vois ce que je veux dire (rhooo quel coquinou ce poulpinou…).

Le truc compliqué pour moi (j’imagine également pour tout le monde mais possiblement plus pour les poulpes) c’est d’arriver à faire le tri. Je considère que c’est important et même essentiel. Parce que l’utilité de tout ce beau mécanisme émotionnel, c’est de te pousser à l’action. D’ailleurs l’étymologie d’émotion est latine et se traduit par quelque chose comme « susciter le mouvement ». Ils avaient vraiment tout compris ces Romains…

Les émotions sont donc (au moins pour partie) à l’origine de tes actions et elles influencent tes prises de décisions.

Dans ce cas, ne serait-il pas intéressant de bien faire la différence entre la réalité et la fiction ?

Bien faire le tri entre ce que l’on sait et ce que l’on imagine, cela conduit à prendre une décision en accord avec soi-même. Vais-je me laisser influencer par mes peurs, à partir desquelles mon mental crée des scenarii catastrophes qui me laissent entrevoir le pire ? Ou vais-je laisser mes seules envies guider mes choix sans me soucier des risques que je prends ? Ou bien encore, puis-je suivre mes envies tout en reconnaissant mes peurs et peut-être prendre les précautions qui rendent le risque acceptable ?

Ouais, la dernière elle me plaît bien ! Mais bon, ça n’engage que moi…

Autre avantage : de cette manière j’agis en conscience, en connaissance de cause et je suis certainement mieux préparé aux conséquences, fâcheuses ou pas, qu’impliquent certains choix ou actions que j’entreprends.

Ouais je sais…plus facile à dire qu’à faire ! D’autant qu’en agissant comme cela tu peux avoir le sentiment (comme je l’ai eu moi-même au début) de perdre ton identité, ton honneur, tous les repères et les comportements que tu as construit jusqu’à aujourd’hui et qui font celui ou celle que tu es. Alors il faudra peut-être te poser les questions : « qui suis-je ? » et « qui j’ai envie d’être ? »

Voilà, tout ça pour te dire, qu’il m’a fallut presque trente ans pour comprendre (ou du moins en avoir l’impression) la scène culte d’un film des années 90…mieux vaut tard que jamais !

2 commentaires sur “C’est pas ta faute

  1. Bonjour,
    je découvre ce blog.
    Le film qui a bouleversé ma vie :

    « l’associé du Diable »
    avec Al Pacino et Keanu Reeves
    1998,
    une semaine après,
    j’étais à l’hôpital psychiatrique.

    Vingt ans
    vingt ans à penser et à essayer de faire croire que je n’étais pas fou.
    avant que ma psychologue
    en 2018 donc
    me fasse réaliser que j’étais juste
    différent.

    Aujourd’hui
    plus personne ne veut croire que je suis fou
    mais faut que je le laisse penser
    sinon ils vont me remettre au boulot.

    J’aime

Répondre à Damien BABONNEAU Annuler la réponse.