
Les insomnies font partie de ma vie. Je les ai longtemps combattues jusqu’à prendre conscience qu’elle étaient une part de mon identité. Depuis, j’apprends à les apprivoiser. Cela me demande du temps et de la persévérance, mais mes efforts sont toujours récompensés et dans l’histoire qui suit, la récompense était pour le moins inattendue.
Cela fait de longues semaines que je n’ai rien publié. Ce n’est pas faute d’inspiration, puisque j’ai au moins 4 articles en cours. Mais écrire me demande beaucoup de temps et de concentration. Je suis incapable de publier un article qui me semble « imparfait ». Ce que je produis, ce que je partage est une part de moi, le reflet de mon identité. Pas question de montrer quelque chose d’incomplet…
Et si je n’ai rien publié, c’est qu’en ce moment, je dors bien !
J’écris surtout la nuit, lorsque je joue à cache-cache avec le sommeil ou bien tôt le matin. Dans ces moments, mon esprit tourne à plein régime. Il est difficilement contrôlable mais aussi très productif et très créatif. Créatif pour avoir des idées de génie et également pour donner vie à des idées noires…Une fois les idées trouvées, la pensée arborescente s’en empare et les scenarii s’enchaînent. Je fais tourner le petit vélo quoi…
Parfois, fiction et réalité se mélange. Ce phénomène somme toute humain est extrêmement intense et dur à contrôler pour le Poulpe que je suis. Il est générateur de comportements et d’émotions qui ne sont pas liés à des expériences de ma vie réelle, mais à de simples pensées, des réflexions, des interprétations, que des choses artificielles et crées par mon esprit.
Je dois également éviter de tomber dans une spirale infernale, entraînée par la fatigue. En effet, mes petits poulpes et mon patron se moquent pas mal de mes problèmes de sommeil. Et dormi ou pas, le matin il faut se lever et assurer. Donc la fatigue liée à mes nuits de cogitation génère également du stress et de l’anxiété. En conséquence, mon cerveau qui cherche à me protéger à vouloir réfléchir à comment « guérir ce stress » et qui en conséquence, aura tendance à me réveiller la nuit, etc, etc et etc.
Depuis tout petit, le sommeil est quelque chose de compliqué pour moi. J’ai même fini par le craindre et pendant longtemps, il est resté problématique voir effrayant!
Cela a un rapport avec la mort. Encore aujourd’hui, j’associe le sommeil à la mort. Dormir c’est un peu comme mourir. J’ai le sentiment que mes difficultés pour dormir ont commencé lorsque enfant, j’ai été confronté aux décès de mes proches et que j’ai pris contact avec ce concept que l’on appelle la mort. Devine à quel moment mon esprit choisissait de réfléchir sur ce concept. Bingo, la nuit bien-sûr.
Alors finalement, comment je gère ça.
Déjà, la première étape à été d’accepter ce que je suis. Je suis un Poulpe et j’ai un esprit « nocturne ». C’est comme ça !
Ok c’est super, j’ai accepté et maintenant je dois faire avec. Mais je fais quoi ?
Eh bien je l’intègre dans ma vie et je change mon comportement. En résumé, j’arrête de vouloir dormir à tout prix quand mon esprit est au taquet et plutôt que de lutter de toute mes forces contre mes pensées, je les oriente vers quelque chose d’utile ou simplement d’intéressant. Et tant pis pour la fatigue, je ferai avec et je me pardonne si de temps en temps, je ne suis pas à 100% au boulot, à la maison ou sur le tatamis…
Comme toujours, cela ne se fait pas en un claquement de doigt. J’ai avancé petit à petit, sans réellement savoir ou cela allait m’emmener.
J’ai commencé par faire de la couture…choix étonnant ? Eh bien non, il y avait une raison, un sens. Comme d’habitude, ce sens, je ne l’ai pas vu de suite et on peut dire que la vie fait bien les choses. Rien n’arrive par hasard, il y a toujours une raison, qui généralement me dépasse. Pour accéder à ce sens, pour le trouver, il faut simplement que je garde confiance en mon instinct et que je continue de le suivre. Même si cela me pousse vers des situations difficiles. Avec le recul, je comprends et j’apprends.
Mais laisse-moi te raconter cette histoire, qui a marqué mon existence pour toujours.
J’ai traversé une période extrêmement dure que j’apparente à un « burnout ». Mais à cette époque, je voyais ça comme un passage compliqué de la vie, comme j’en avais déjà vécu.
Sans que j’en sois réellement conscient, absolument toute ma vie partait tranquillement en vrilles.
Une de ces vrilles était due à la fin de vie de ma grand-mère. Une vielle dame de 103 ans, née à une époque où il n’y avait ni eau courante, ni électricité. Qui a traversé 2 guerres mondiales. A la fin de sa vie, on lui montrait des photos sur nos smart phones ! J’ai gravé en moi le souvenir de ce moment et de son visage, à la fois impressionné et interrogative, en regardant ce petit écran tactile qui contenait tant de choses.
Elle a fini alité dans sa maison, totalement dépendante de ses enfants. Une situation très dure pour tout le monde et notamment pour elle. J’imagine que c’est pour cette raison que son esprit s’est petit à petit retiré, pour ne laisser entrevoir que quelques moments d’éveils un peu délirants et des sourires aux anges enfantins. J’aime me souvenir qu’elle est partie au beau milieu d’un rêve plein de douceur tandis que ma mère lui caressait le visage. C’est certainement pour cette raison que son visage était incroyablement détendu lorsque je suis venu la voir au matin de son départ.
Pendant plus d’un an avant sa mort, ses enfants se sont relayés pour veiller sur elle, jour et nuit. Dans la durée, beaucoup de tensions sont apparues. L’unité de notre famille a été mise à mal. Cette situation m’a beaucoup remuée et je ne pouvais pas m’empêcher de me mettre dans la situation de ma mère. J’habite loin de mes parents et dans ma situation actuelle il me serait impossible de faire pour mes parents ce que ma mère faisait pour ma grand-mère. Comment allais-je gérer cette situation avec ma sœur et mon frère, si elle se présentait à moi.
En bon Poulpe que je suis, cette pensée a pris des proportions immenses et j’avais constamment en arrière-boutique une petite ritournelle qui me projetait dans un futur où je serais incapable d’être à la « hauteur ».
Comme je te l’ai dit, rien n’allait vraiment et je passais déjà mes nuits entières à « psychoter » à propos de mon boulot et de mes finances, de mon avenir. La ritournelle, c’était une nouvelle couche…
C’est à ce moment que la couture a fait son entrée dans ma vie. Ma grand-mère été connu pour ses talents de couturière. Elle faisait partie de cette génération qui faisait beaucoup de choses par elle-même, notamment les habits et leur réparation. Et j’ai eu envie de partager ça avec ma grand-mère. Dans son état, elle était incapable de m’enseigner quoi que ce soit, mais j’avais l’impression de me rapprocher d’elle, de perpétuer quelque chose. Je n’avais jamais réellement partagé quoi que ce soit avec elle, c’était l’occasion !
J’ai donc occupé mes insomnies avec ça. J’y ai mis tellement de passion et d’intensité qu’en quelques semaines j’étais capable de réaliser des vêtements, une chemise, une robe de soirée dos nu…Avec une qualité respectable.
Cela a eu 2 effets dont un complètement inattendu, une sorte de cadeau de la vie.
Le premier effet bénéfique est que j’ai pris conscience que je pouvais utiliser mes insomnies, en acceptant de ne pas « dormir ». De cette manière, je ne les ai plus subis , je les ai apprivoisées. Pendant longtemps, j’ai voulu contrôler mon esprit en le contraignant et je n’ai pas réussi. Au contraire, j’ai accentué le phénomène. Maintenant je ne cherche plus à contrôler mon esprit, j’ai compris que ce n’était pas possible. Je le focalise sur le sujet de mon choix et j’utilise cette ressource très abondante la nuit.
Au début cela n’a été qu’une compensation. En gros, j’étais toujours aussi fatigué et je n’étais toujours pas capable de sortir de la spirale infernale. Mais j’ai persévéré dans cette direction et j’ai fini par trouver un équilibre. J’ai maintenant plusieurs options pour gérer les insomnies, dont la méditation et l’écriture…Avec l’expérience, je sais quand et comment utiliser ces outils.
La condition pour que cela fonctionne est l’indulgence envers moi-même. Forcement il y a des moments ou cela ne marche pas ou peu. Sans indulgence, j’aurais tendance à me mettre la pression et à retomber dans une de ces fameuses spirales dès que la fatigue fait son apparition. Garder confiance en moi et continuer de m’estimer (me pardonner en fait) est une part de cet équilibre qui me permet de « bien vivre » ma condition de Poulpe nocturne.
Après tout être capable d’apprendre à coudre un vêtement en quelques semaines, en autodidacte, tout en poursuivant sa vie trépidante de père de famille et de cadre en entreprise…ce n’est pas donné à tout le monde. Autant voir les choses de cette manière et se réjouir d’avoir à disposition cette capacité.
Le 2ième effet Kiss-cool, c’est la conséquence que cela a eu dans ma vie. Ma mère étant également couturière, j’ai naturellement partagé ça avec elle. Quelques fois, le dimanche, j’allais passer l’après-midi avec elle, alors qu’elle s’occupait de ma grand-mère. Cela m’a permis de lui apporter un peu de présence pendant ces longues après-midi, rythmées par les éventuelles apparitions conscientes de ma grand-mère. Ce n’était pas grand-chose mais c’était déjà ça.
Ces souvenirs ont une saveur particulière, ni tristes ni heureux. C’était juste un amour pudique et non avoué, que la couture m’a permis d’exprimer, sans phrases ni mots. Juste une présence, quelques instants, où un fils qui se sent impuissant face à une situation qui le dépasse et l’effraie, fait ce qu’il peut pour aider ses parents.
Mes parents à qui je ne réussis pas à dire à quel point je les aime.
A partir de ce moment, la couture a pris une dimension particulière dans ma vie. C’est devenu un symbole, la représentation d’une valeur : les liens, la famille. C’est le support qui donne de la consistance à un concept.
J’ai tenu ma place dans la famille, j’ai accompagné mes parents et ma grand-mère, à ma manière. Maintenant, je suis certains que je serai toujours présent. Je trouverai toujours une solution aussi étrange soit-elle pour être là et apporter mon aide. C’est mon identité, c’est moi !
C’est le cadeau que j’ai reçu de la vie !
Dans la simplicité de ces instants de vie se cachent des messages « pudiquement puissants », chargés d’émotions, qui restent gravés dans la mémoire et sont capables de changer notre existence d’une étrange manière.


Bonjour,
Je lis avec intérêt votre façon de gérer les insomnies, car j’ai les mêmes et suis complètement décalée par rapport aux horaires dits normaux que je vais bientôt devoir aborder de nouveau. Comment faire pour gérer la fatigue qui va avec (chez moi se traduisant par des vertiges de position). A un moment donné, il faut quand même dormir pour récupérer et si mon cerveau bouillonne, je n’ai visiblement pas autant de talents que vous donc… Si le vôtre a une idée à me proposer je suis preneuse. Merci beaucoup, et merci de partager pour que l’on sache qu’il y en a d’autres…
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Bonjour,
Tout d’abord je n’ai malheureusement pas de talent particulier pour gérer les insomnies. Sinon croyez-moi, je n’aurais pas attendu d’arriver à la moitié de ma vie pour y remédier :-).
Je n’ai pas la prétention de connaître la recette miracle. Je peux simplement vous donner la mienne en espérant qu’elle puisse vous servir ou vous inspirer.
Lorsqu’une insomnie se présente, je fais d’abord en sorte de « refroidir la marmite » en me mettant dans un contexte calme. J’allume ma lumière « pierre de sel » qui fait une très belle lumière rougeâtre que j’adore. Je bois une tisane chaude etc…rien de bien nouveau. Ensuite, je focalise mon esprit sur une activité « douce » qui me demande de la concentration. En ce moment je fais de la méditation (pas toujours facile, ça demande de la pratique, mais efficace sur le long terme), couture, lecture…
Enfin, l’écriture me donne de très bons résultats. Lorsque j’ai des insomnies très rudes, c’est ma meilleure stratégie. Toujours équipé d’un bol de tisane, je jette sur une feuille absolument tout ce qui me passe par la tête, sans réfléchir, sans juger ce que j’écris. Comme si mes pensées s’écrivaient d’elles-mêmes au fur et à mesure qu’elles apparaissent, sans que mon mental ne filtre quoi que ce soit.
Les premières fois c’est un peu déroutant…mais c’est vraiment étonnant et créatif. J’appelle ça de « l’écriture au kilomètre », comme en traitement de texte. C’est comme une vidange et ça me fait du bien, ça soulage. Quand j’ai fini, je ressent mentalement quelque chose similaire à une séance de sport. Dès fois il me faut un peu temps pour redescendre et revenir au calme. Généralement cela me permet de sauver quelques heures de sommeil.
C’est de cette manière que j’arrive à tenir. Habituellement j’avais des cycles de 2 ou 3 jours d’insomnie où je dormais de2 à 3h, suivi d’une nuit normale de 6 à 7h.
Avec ma tisane et mes activités,, je fais maintenant quelques mauvaises nuits de temps en temps, peut-être 2 ou 3 fois par mois, au cours desquelles je perds 1 ou 2h de sommeil. C’est plutôt bien!
Ça dépend également de ce qui se passe dans ma vie. Si j’ai des gros stress, évidement c’est plus difficile de garder ce rythme.
Car bien-évidemment, mes insomnies ne sont pas dues au hasard ou à une quelconque malchance. J’ai peut-être une composition qui me rend très sensible, mais sans plus. Mes insomnies prennent naissance dans ma vie quotidienne et sont une sorte de signal d’alarme envoyé par mon corps.
Le problème finalement n’est pas l’insomnie, mais ce qui la provoque. Et pour traiter ce qui provoque mes insomnies, je me suis fait aider par un coach de vie. C’est de loin le plus efficace. La tisane c’est pour tenir, c’est le paracétamol. Le travail sur soi, c’est le vaccin, ça permet d’éviter de tomber malade ou du moins de réduire les symptômes.
C’est une longue histoire que je suis en train d’écrire au travers de mes articles…
Voilà, j’espère que ces quelques lignes vous seront utiles.
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