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Le mot de la fin !

Ce que je m’apprête à écrire est un de mes grands tabous. C’est un sujet dont je parle très peu. Parce que j’en ai honte et parce que j’ai peur de l’image que cela pourrait donner de moi. Il s’agit de pensées, un peu particulières, qui m’habitent depuis l’enfance. Aujourd’hui, j’ai envie d’en parler, pour les exorciser, comme je l’ai fait pour d’autres pensées. Quoi qu’il en soit, j’ai besoin…non, j’ai envie d’ouvrir cette boîte de Pandore.

C’est un sujet pour lequel j’ai suivi une psychothérapie il y a longtemps et si, tu te retrouves dans ce qui est écrit par la suite et que tu en souffres, peut-être que toi aussi, tu pourrais en parler à un professionnel, quelqu’un qui sera te guider.

J’ai découvert une chanson il y a peu de temps. Il s’agit de « Autre part » de « Bigflo & Oli ».

J’ai été captivé par les toutes premières notes, car elle sont très (très très très) inspirés d’une autre chanson, « Roads » de « Portishead », dont j’ai toujours adoré la musicalité.

J’ai toujours été touché par l’ambiance douce & mélancolique de cette chanson, entre douleur et réconfort. Ce genre de sonorité m’attire alors qu’elle me plonge dans la mélancolie et me tire les larmes…étrange non ? C’est comme une fenêtre ou plutôt un passage vers quelque chose qui est là, en moi, caché dans l’ombre et qui entre en résonance avec ce genre de musique. Mais quoi ?

Une fois l’ambiance installée, la partie chant prend le lead. Et là…je ne sais même pas décrire ce que j’ai ressenti la première fois que j’ai écouté les paroles écrites par les 2 rappeurs. J’ai été pris d’une montée de larme, le ventre crispé, la gorge serrée…c’était assez intense et des souvenirs, notamment de mon enfance, sont remontés à la surface. Le style rappé apporte de l’impact, de l’énergie, de la force aux paroles. Mais aussi un sentiment d’impuissance, une pointe de désespoir, car le texte exhorte une personne à reprendre goût à la vie.

Le texte parle de suicide…quel mot difficile à écrire et il est loin de me laisser indifférent.

Je suis toujours étonné des conséquences physiques que peut avoir un son, une mélodie, un texte, un mot…alors je fais un pas de côté et j’observe ce qui se passe en moi. Je laisse mon inconscient me parler. Je ne dois pas en perdre une miette. Voici ce qu’il me raconte…(ça risque d’être un peu long 😬).

« Tant que vous n’aurez pas rendu l’inconscient conscient, il dirigera votre vie et vous appellerez cela le destin. » Carl Gustave Jung

Le suicide, ou plutôt les pensées suicidaires. Une grande tristesse remonte du fond de mon âme quand j’écoute cette chanson et que surgit l’idée d’en finir avec la vie. Cette idée est là depuis que je suis tout petit. Il m’arrivait alors de faire des crises de panique quand je prenais conscience de la finitude de ma vie. Cela peut paraître complètement fou, mais l’idée de mourir un jour me donnait l’envie de me donner la mort, pour échapper à la mort 😅. Etrange non? C’est en partie pour cette raison que j’ai suivi une psychothérapie à partir de l’âge de 10 ans. Puis, après l’adolescence, j’ai enfui ces idées et pensées dans un coffre bien caché au fond de moi, et elles m’ont laissé tranquille pendant plus de 20 ans.

Pourquoi ces idées ? Il faut dire que, d’une certaine manière, je suis naît dans la peur et la mort 😅.

Je suis le dernier des 4 enfants. Ma grande (et unique) sœur est de 15 ans mon ainée et j’ai 2 frères qui viennent après elle. Je suis pour ma part ce que l’on appelle un enfant non désiré. Celui qui arrive parce qu’on a pas fait suffisamment attention et qui ne débarque pas vraiment au bon moment. Je vais t’expliquer pourquoi.

Quelques années avant ma naissance, une scoliose handicapante est détectée chez ma sœur. Il faut l’opérer et la rééducation est longue. Elle passera 15 mois en centre hospitalier, à Palavas les flots, près de Montpellier, à presque 2 heures de route. Ca été une épreuve pour la famille. Mon père à cette époque travaillait en poste, donc il travaillait parfois la nuit et changeait de rythme chaque semaine. Ma mère s’occupait de mes 2 frères, dont l’un avait à peine plus d’un an. Les weekends, mes parents se débrouillaient pour faire les aller retours et voir ma sœur.

Vers la fin de la convalescence de ma sœur, c’est au tour de mon père de tomber malade. Ses artères se bouchent, il faut l’opérer pour faire des pontages. Nous sommes en 1981, la chirurgie cardiaque est encore en développement et le taux de réussite, l’espérance de vie post opératoire n’est pas celui d’aujourd’hui…C’est à peu près à ce moment là que ma mère tombe enceinte de moi. Ce n’est pas facile mais mon père est opéré avec succès, il passe quelques mois en maison de repos à Salon-de-Provence, à 1 heure de route la maison. Ma sœur sort du centre avec un corset qu’elle portera des mois et qui marquera son adolescence. Et moi je viens au monde ! Quand j’ai environ 10 mois, c’est au tour de mon grand frère d’être diagnostiqué d’un cancer du péritoine. 40 jours plus tard, il meurt à la Timone, à Marseille. Il avait 12 ans. Je n’ai aucun souvenir de lui.

Autant te dire que mon arrivée sur terre a été assez mouvementé 😕 et le fantôme de la mort de mon frère a plané sur mon enfance et plane peut-être encore sur ma vie. J’ai bien compris que cette période a grandement façonné ma vie et ce n’est pas un hasard si 40 ans plus tard, j’écris tout cela. Bien plus tard, je serais confronté à plusieurs décès « violents », 2 tantes (2 sœurs) qui se sont suicidées et 1 cousin. La première, j’avais peut-être 10 ans. Elle s’est suicidé avec une carabine de chasse, elle avait 40 ans. Mon cousin, qui après avoir fait plusieurs tentatives de suicide, est mort du sida. Il devait avoir 40 ans et moi 20. Ma deuxième tante (et mère de mon cousin) je devais avoir 30 ans. Elle s’est jeté sous le train qui passe derrière sa maison. Elle avait 70 ans.

Comme tu peux le voir, je ne suis visiblement pas le seul dans la famille a recevoir la visite de pensées morbides. Et j’imagine qu’il en est de même pour beaucoup d’humains.

Mais ai-je vraiment envie de mourir, d’en finir avec la vie ?

Et bien non ! Je dirais même que c’est le contraire. Je suis plutôt très attaché à la vie. Je suis passionné, optimiste, pleins de vie et souriant. Autant te dire que l’idée d’héberger des pensées morbides est plutôt à l’opposé de ma personnalité et je ne sais pas trop comment les gérer. Pourtant elles sont bien là et je dois faire avec.

Alors pourquoi ces idées s’invitent elles dans mes pensées ? Pourquoi je réagis aussi intensément à ces chansons ? Pourquoi je suis touché quand j’entends l’histoire de ces couples qui se suicident plutôt que d’être séparés par la vieillesse ou la maladie ? Je trouve cela tellement beau, romantique et courageux !

Autrefois, je mis le couvercle sur mes émotions pour avancer et je finis par devenir complètement insensible à tout un tas de chose, y compris ces pensées morbides. Mais aujourd’hui j’ai changé. Le temps est passé et j’ai beaucoup travaillé sur moi. Je suis maintenant prêt à me retrouver de nouveau face à ces pensées.

Au début, elles m’ont perturbé et j’ai cherché une signification. Mais finalement, je pense qu’il n’y en a pas. A bien les observer, je crois que ce que je nomme « idées suicidaires » n’en sont pas réellement.

Je n’ai pas envie de mourir. Au contraire, la mort me fait peur, elle me fascine et m’angoisse. C’est certainement ma plus grande peur et elle se nourrit de mon histoire qui a débuté dans la souffrance et la mort de mon entourage, ainsi que des expériences difficiles face au suicide de mes tantes et de mon cousin.

Mais ce n’est qu’une peur, celle de la mort. La peur de ce « mot de la fin » et dont j’ignore tout ou presque. Impossible de trouver les réponses qui me manquent à son sujet, alors j’angoisse et mon mental se charge de faire vibrer tout ça dans mon corps et ma tête, comme dans une caisse de résonnance. Je ne dois donc pas lui donner trop d’importance, juste comprendre pourquoi elle est là. Elle a certainement son utilité.

Et après tout, c’est aussi parce que j’ai peur de la mort que j’ai très envie de vivre et que je réussis à dépasser ces autres peurs qui me freinent. J’ai simplement besoin de l’apprivoiser et de vivre avec. Elle est le résultat de mon histoire familiale, elle fait partie de moi. Elle me donne la force de changer ce qui ne me convient pas. Parce qu’elle me rappelle que l’horloge tourne et que c’est maintenant qu’il faut vivre. Pas dans un hypothétique futur qui peut-être n’existera pas.

Alors comment faire pour dompter cette peur de la mort ? Dans un premier temps, le simple fait d’en prendre conscience contribue à me soulager, à éviter la panique.

Ensuite, je dirais que c’est comme prendre un bain d’eau froide (pour info, je me douche à l’eau froide, même le matin en hiver…alors je sais de quoi je parle). Si je plonge dedans d’un coup d’un seul, sans y être habitué, alors tout mon corps est affecté violemment. La sensation de douleur est grande et plus difficile a supporter. Si je commence par me mouiller seulement les pieds, alors la sensation n’est plus de la douleur, mais seulement désagréable et surtout supportable. Petit à petit, mon cerveau enregistre qu’il n’y a pas de danger et bientôt cette sensation autrefois douloureuse devient normale, voir agréable. C’est de cette manière que j’ai commencé à me doucher à l’eau froide et qu’aujourd’hui je peux prendre un bain de mer le 1er de l’an (8°C cette année, ça piquait un peu 😁).

Je dois pouvoir me confronter petit à petit à cette peur de la mort. Quand elle vient, je peux la laisser se manifester sans la repousser, tout en l’observant. Au début, je devrais accepter les pleurs, les spasmes, comme je sais le faire pour d’autres peurs. Petit à petit mon cerveau enregistrera qu’il n’y a pas de danger et qu’il ne s’agit que de pensées. Si ça ne fonctionne pas, des séances d’hypnose pourraient me permettre d’atteindre ce qui se cache dans mon subconscient et de le vider. Bien sûr, la peur ne disparaîtra jamais, mais au moins elle devrait revenir à un niveau que je peux gérer. Je me demande si j’aimerai toujours autant cette chanson de Bigflo & Oli quand j’en serai là 🤔…

Sinon ? Et bien, je peux peut-être encore (et oui encore) suivre la voix de tonton Georges (Georges Brassens). Tout comme lui, dans sa supplique, j’aimerais moi aussi pouvoir passer ma mort en vacances. Je n’ai plus qu’à imaginer que ma route aboutira sur une plage ou bien au bout d’un ponton donnant sur un magnifique océan 😊.

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