Articles

There and back again

3h30, mon réveil sonne une dernière fois. Je n’ai pas réussi à m’endormir avant minuit, même pour le petit dormeur que je suis, aussi peu de sommeil…ça pique. Dans moins de deux heures j’embarque à Marignane, direction Lisboa ! Je me rends à un KoM qui commencera à 9h00 Lisboa time, Kickoff Meeting pour les initiés (je te laisse traduire, Google is your friend)! J’entame un nouveau projet en Afrique de l’Ouest pour un client Portugais. Je n’ai pas réussi à faire garder mes enfants et pouvoir partir la veille avec le reste de l’équipe. Alors je pars tôt ce matin. Le retour est prévu le soir même, atterrissage 23h35 heure française. Journée bien intense en prévision…

Quand j’explique ça à mon entourage, tout le monde me plaint. « La loose, ça doit être fatiguant »! Oui c’est vrai, mais ça ne me dérange pas, en fait je trouve ça même un peu excitant. J’ai l’impression de vivre quelque chose hors du commun. La fatigue, c’est secondaire. Elle est là et je fais avec. C’est tout !

Je voyage seul cette fois-ci. J’aime bien voyager, partir à l’aventure. Pendant le transport, je suis constamment entouré par des dizaines de personnes, dans l’avion où les aéroports et paradoxalement je suis seul, anonyme, isolé. Les gens autour de moi sont méfiants pour la plupart, stressés. Ils scrutent, s’empressent dans les files d’attente, s’agressent, râlent. Il me semblent à l’affut de la moindre bouffée de réconfort même si c’est au détriment des autres. Je les trouve pathétique ! Pourtant…j’ai une certaine tendresse pour ces gens, j’ai de la compensation pour ceux qui sont en dehors de leur zone de confort. Certainement parce qu’au fond de moi je les comprends et que je sens bien que si je ne me contrôlais pas j’en ferais autant. Je l’ai d’ailleurs fait il y a longtemps.

En vérité, ce n’est pas eux que je trouve pathétique, c’est moi. Inconsciemment, quand je les regarde, c’est moi que je vois en train d’agir de la sorte. Et je me juge, je me trouve faible. Je suis face à mes propres émotions, face à mes doutes et mes peurs. C’est étrange de s’en rendre compte.

C’est…je n’ai pas les mots pour le décrire. Je ressens une certaine fierté d’enfin arriver à entrevoir ce qui se joue en moi, parce que je sais que cela m’est très difficile, que ça me demande beaucoup d’effort. J’ai l’impression d’avancer. C’est une petite victoire ! Et puis, je ressens aussi beaucoup de tristesse et un profond découragement de voir à quel point je ne m’apprécie pas. Je me rend compte à quel point je suis exigent avec moi-même, à quel point je me dénigre finalement. Et je n’arrive pas à comprendre comment j’ai pu en arriver là. Je prends conscience à quel point ce comportement est ancré dans mon être, à quel point il a orienté ma vie et continue encore aujourd’hui à me limiter dans ce que j’entreprends. Pire encore, j’ai l’impression que je suis en train de transmettre ça à mes enfants. Sous couvert de les éduquer, de leur apprendre les bonnes manières, j’ai l’impression que je leur refile ma maladie. C’est dur à accepter…

La réunion se passe bien. Je suis dans mon élément ! Tout n’était pas parfait mais je m’étais suffisamment préparé pour être en place et efficace. Le projet est intéressant, le client est constructif. Nous ressortons de réunion détendus. Direction l’aéroport !

Avec la fatigue et quelques verres de vin, nous sommes euphoriques, comme des gamins. La moindre blague nous fait rire, c’est souvent potache, provoque voir graveleux quand c’est pas complètement vulgaire…Homme ou femme, pas de différence, tout le monde est trash et insouciant! Nous jouons à la belote sur une table de la grande zone de restauration de l’aéroport. J’ai l’impression d’être au lycée. Le jeux de carte est incomplet, il manque le 8 de pique. Mais qu’à cela ne tienne, il y a une carte virtuelle dans le jeux qu’il ne faut pas oublier de distribuer…rien ne pourrait nous empêcher de nous amuser.

Ce sont des moments que j’apprécie beaucoup. Des moments humains, insouciants engendrés par la fatigue et le stress, c’est en partie ce qui forge un esprit d’équipe. Il arrive que la difficulté rapproche et crée quelque chose de beau, d’agréable, à l’épreuve des difficultés et de la souffrance. J’ai tant de souvenir identiques à celui-là !

A peine 20 minutes de retard à l’embarquement, un miracle sur le dernier vol TAP de la journée! Nous embarquons, je suis au 3C dans un embrayer, un petit avion avec seulement 4 rangées de siège, 2 de chaque côté. J’aperçois une personne qui s’installe au 3D, c’est une femme. Je l’avais déjà remarquée, elle était près de moi dans la file d’embarquement, le genre de femme qui ne passe pas inaperçue. Un peu plus petite que moi, le tain halé. Une silhouette sportive et féline dans un jean slim, une paire de converse all star et un top sans manches vert émeraude aves des motifs indous. Je n’avais pas vraiment vu son visage qu’elle dissimulait derrière ses longs cheveux châtains et une expression assez froide qui ne laisse aucune prise. Je l’imaginais anglaise ou tout du moins autre que française. J’avais remarqué une parfaite prononciation alors qu’elle répondait à un appel en anglais. En un mot, magnétique😅!

Je vis enfin son visage en approchant de mon siège. Des yeux clairs, perçants. Elle avait une mâchoire assez carrée et des traits quelques peu masculins mais cela n’enlevait rien à sa féminité, au contraire. Elle était d’une grande beauté. Le cours échange de banalité qui s’en suivi fit s’évanouir le peu de capacité de raisonnement que la fatigue m’avait gentiment laissé. Elle affichait un large sourire et s’exprimait d’une voix douce, assortie d’un accent du sud assez chantant…je m’amusais d’avoir pu croire qu’elle était anglaise 😅.

J’étais complètement sous son charme et totalement intimidé !

Une fois assis l’un à côté de l’autre, il se passa quelques minutes le temps que les derniers passagers embarquent. J’avais envie d’engager la conversation et lui avouer que je l’avais pris pour une anglaise à l’écoute de son parfait accent, mais les commandes ne répondaient plus. Ce fût elle qui rompit finalement la glace. Elle était assise côté hublot et me pria de la laisser passer pour qu’elle puisse se lever, ce que je fit avec un grand sourire pensant qu’elle allait chercher quelque chose dans le coffre à bagages. Finalement elle alla trouver un steward pour changer de place 😶😭. C’était la douche froide…quel affront! Malgré ce magnifique échange de sourires et de banalités, il ne lui fallut que quelques minutes pour prendre la tangente et s’installer dans la rangée derrière moi qui était restée vide.

Je comprends. Un embrayer est un petit avion, les sièges sont très rapprochés. Il y avait des rangées complètement vides autour de nous donc c’était plus confortable, voir idiot de rester à côté, serré l’un contre l’autre pendant 2h30 de vol. Elle a certainement eu besoin de respecter son espace, son intimité. Rien d’anormal et qui surtout n’a rien a voir avec moi, cela aurait pu être le cas avec n’importe qui.

Oui mais…la vérité c’est qu’à moi, ça m’a fait mal 🥹. Pendant ces quelques instants, il s’est joué quelque chose de très important.

Tout d’abord, je n’ai pas osé lui parler, j’étais comme paralysé. Il y a quelque chose qui me retenait. La peur du râteau rejet ! Je ne la voyais pas comme une femme, mais plus comme un trophée, j’avais une compétition à gagner. C’est moche je sais ! Mais c’est pourtant ce que je ressens 🤷‍♂️. Pourquoi, qu’est-ce qui se jouait ? Mon sex appeal bien sûr ! Ma capacité à être le meilleur, à être choisi par cette femme si attirante. Mon « estime de moi » au bout du compte. J’aurais pu la voir juste comme une personne tout simplement, avec qui je voulais partager une anecdote amusante. M’intéresser à elle en toute simplicité, la découvrir sans pression et sans attendre quoi que ce soit, comme il m’arrive de le faire avec d’autres personnes. Mais je n’en ai pas été capable et c’est seulement après coup que je me rends compte de tout ça. Je ressens beaucoup de tristesse quand je prends conscience de mon comportement et de ce qui le précède. Je me sens très animal 😅, ou peut-être devrais je dire humain…

Quand elle est partie, je me suis senti nul, pas à la hauteur, inintéressant…la petite voix au fond est venue me rappeler à quel point j’étais fou d’imaginer qu’elle puisse s’intéresser à moi. La vérité, je ne la connais pas et d’ailleurs je ne la connaitrais jamais. Est-ce que ses sourires étaient une invitation ou juste une simple manière d’être agréable dans cette environnement stressant. Il n’y avait qu’une seule manière de le savoir, oser lui parler. Qui sait ce qui se serait passé si je l’avais fait? Peut-être rien de plus et ce n’aurait finalement pas été pire au final puisqu’il ne sait finalement rien passé.

Là encore, je me sens triste en voyant ce que je suis capable penser de moi et des répercutions dans ma vie, puisque c’est finalement ce dénigrement de ma personne, ce manque de confiance en moi qui induit ces comportements. Il m’oblige à devoir prouver ma valeur en permanence et donc à vivre mes interactions comme des compétitions. Je passe à côté de vrais échanges humains et je me maintiens dans l’appréhension, crispé par tout ce qui ne se passe pas comme prévu dans ma vie et que j’analyse comme étant un échec, un rejet. Ma vie devrait être tellement plus simple…

J’ai l’impression d’être vraiment lent à la détente. Déjà 40 ans à vivre comme ça…je me sens abattu !

Mais bon, maintenant que j’en suis là…j’ai une chance de changer les choses. Et je sens que les choses changent en effet. Cette histoire, je l’ai vécu de nombreuses fois et d’habitude je me contente de me dénigrer. Je ne vais pas guérir de moi-même et donc forcement ces situations vont se représenter. Il y aura d’autres voyageurs stressés et d’autres belles intimidantes. Il faudra donc que je me comporte autrement quand le moment viendra.

Aujourd’hui, je fais déjà les choses différemment puisque j’arrive à m’observer et à voir les choses sous un angle nouveau. J’espère qu’un jours, mon attention sera suffisamment aiguisée et mon esprit préparé pour pouvoir me guider en temps réel et me permettre de changer durablement mon comportement. En plus de mieux vivre, je pourrais aussi remplir une partie de ma mission, briser le cycle de transmission générationnel par lequel se transmet (depuis déjà quelques générations j’en ai bien peur) ce comportement d’autodévalorisassions.

Obrigado e até breve 😉

Laisser un commentaire