« C’est la période de l’adolescence, de la construction. Ce sera également le début de la construction de mon « faux-self », une sorte de camouflage. C’est à ce moment-là que je me suis fondu dans la masse. C’est-à-dire que j’ai construit une identité qui ne me correspondait pas totalement. Mais c’est grâce à cette identité que j’ai pu « survivre » et traverser cette période. Je dirai que c’est une des capacités du poulpe, le camouflage, l’adaptation ! »
Avec ce premier chapitre, je souhaite te raconter un bout de mon histoire de Poulpe, le début plus exactement. Pour toi qui est désireux d’y trouver des ressemblances, des explications, des pistes. Ou tout simplement pour les personnes curieuses de l’entendre. Je ne vais pas rentrer dans des détails scientifiques ou psychologiques, je n’en suis pas capable. Il y a de nombreux sites très bien faits pour cela.
Je souhaite simplement te raconter comment je mène ma vie de Poulpe. Souvent, on entend dire qu’être un Poulpe, ce n’est pas une maladie (sous-entendu tout le monde pense que s’en est une) et qu’il est possible de bien vivre sa Poulpitude…Ok c’est cool, ça me rassure. Mais comment s’y prendre ? Il semble que ce soit inné chez certains. Mais pour les autres ?
Pour les autres, je ne sais pas ! Mais en ce qui me concerne je peux te raconter comment je vois mon parcours et te montrer, avec le recul, tout le positif que j’en tire et comment je m’en nourri.
Ce n’est pas une recette miracle, c’est juste mon histoire, une manière de voir les choses à l’instant où j’écris ces mots. J’espère que tu trouveras ainsi de quoi nourrir tes réflexions, autant que ce que je nourris les miennes en écrivant ces chapitres. C’est incroyable de constater à quel point écrire mon histoire me permet de la comprendre…
Bon appétit !
Chapitre 1 : Merci mon faux-self !!!
Mon histoire de Poulpe commence au début des années 1990, je suis en CM2. Avant cela, je pensais être « un être humain semblable à 100 000 autres êtres humains ». Nous sommes juste après les inondations qui ont englouties une partie de mon Vaucluse natal. Celles qui ont gravé le nom de « Vaison la Romaine » dans toutes les mémoires de France.
A cette époque, j’étais considéré comme « particulier ». J’en avais conscience et je l’assumais, « c’était moi ». J’étais un peu décalé de par mes goûts, mes réflexions, ma langue bien pendue, acide et précise…mon comportement « 0/100% ». J’étais également très sensible à « la mort ». C’est un concept que je n’arrivais pas à accepter et allait hanter mes nuits pendant de nombreuses années. J’ai d’ailleurs un rapport au sommeil très compliqué. Les souvenirs de mes premières insomnies remontent à cette période. Dormir, c’est mourir !
Je ressens un malaise, et je n’arrive pas à l’expliquer. Les choses vont bien en apparence mais en fait ça ne va pas. Il y a quelque chose mais je ne sais pas quoi et mes parents non-plus. A l’époque, on pense que c’est certainement le résultat du stress lié aux inondations et au fait que ma mère et moi ayons dû partir de la maison…à la nage ! C’est sûr, ça marque.
Mes résultats scolaires chutent brutalement alors qu’ils étaient très bons et que j’étais décrit plutôt comme un leader. Mon comportement change, je me renferme. Je commence à réfléchir et à parler de suicide, ce qui inquiète mes parents. Je me souviens avoir écrit une lettre que j’ai déposée sur le lit de mes parents pour leur expliquer mes intentions…Cela me conduit vers la psychologie et finalement les tests de QI.
A cette époque, je n’ai pas eu de score mais une comparaison de « niveau de capacité ». Je suis au début de ma 6ième et j’ai les capacités intellectuelles d’un enfant de 4ième. Ok, la vie est belle…je suis une bête. Tout le monde est rassuré. Pourtant…
Les années de 6ième et 5ième sont les plus dures dont je me souvienne. Toujours un peu à part je fini par devenir la tête de turc de certains. Pourtant je ne suis pas clairement isolé ou dans mon coin. J’ai quelques amis, mais je suis juste…décalé. Je joue aux échecs, j’écoute Brassens, je porte une montre à gousset. J’ai une passion dévorante pour la pêche et l’aviation. J’aime le foot, mais je ne supporte pas l’OM…décalé je vous dis !
C’est la période de l’adolescence, de la construction. Ce sera également le début de la construction de mon « faux-self », une sorte de camouflage. Je vais mettre du temps à le confectionner.
Le point de départ : c’est à ce moment que j’ai clairement commencé à ne plus m’aimer.
J’ai toujours été envieux des enfants populaires, des garçons qui faisaient tomber les filles. C’était pas trop mon cas ou du-moins c’était l’image que je me faisais de moi-même… Mais jusque là, c’était supportable, dans mon imaginaire je pouvais être « super star » et sa me suffisait.
Maintenant ce n’est plus pareil. Je ne m’aime plus. Je me vois petit, bedonnant, chétif, j’intéresse pas les filles. A côté de moi, j’ai pour exemple mon grand frère. Super grand, bon en sport, pleins d’amis et super bon à l’école, déjà déterminé…Petit à petit je commence à rejeter le Poulpe et à lui attribuer la cause de tous mes malheurs.
La condition d’adolescent exacerbe les ressentis et particulièrement celui du rejet. Elle rend la vie du Poulpe extrêmement douloureuse. C’est particulièrement vrai dans mon cas. Tout le monde a son histoire et la mienne m’a rendu sensible à l’abandon, au rejet. Cette sensation de ne pas être à ma place, m’a fait énormément souffrir pendant ces 2 années.
Je réalise bizarrement, une bonne 5ième. Cela me conduit, je ne sais plus pourquoi d’ailleurs, en 4ième.1, la section des « Allemand première langue » : la classe des intellos ! En tout cas c’est comme cela qu’elle est vue et que je la voie. Avec le recul, il me parait clair que mes parents étaient à la manœuvre en sous-marin, car je n’ai aucun souvenir d’avoir fait cette demande. Je prends l’option Latin, par curiosité, car l’univers des Romains me passionne, mais pas la langue. Je ne me souviens pas avoir eu la moyenne en latin…
Et là, il va se passer une chose étonnante. Je vais devenir un « mauvais élève » un « gentil cancre ». Cela n’a rien de compliqué, autour de moi il y a une majorité de super bons élèves assumés. Je flirte constamment avec la moyenne, tantôt au-dessus, tantôt en-dessous. Les avis des conseils de classe sont toujours les mêmes : « A des capacités mais ne les utilise pas »…Cette appréciation va me suivre jusqu’à mes études en école d’ingénieur.
Miracle! Dans cette classe je n’ai plus le sentiment d’être rejeté ! En tout cas moins…
Je garde un bon souvenir et des amis de ces 2 années (4ième et 3ième) que je passe dans cette classe. En écrivant ces lignes, je me dis que certainement cette classe était une sorte de réserve naturelle dans laquelle les dirigeants du collège regroupaient tous les poulpes identifiés ou soupçonnés! Bien que nous fussions des collégiens dans toute leur splendeur, il y avait dans cette classe une bonne ambiance et de la cohésion (YES !!! j’ai réussi à utiliser le subjonctif imparfait une fois dans ma vie).
Ce n’était pas suffisant pour me permettre de m’aimer réellement. J’étais toujours envieux et pas trop sûr de moi. Mais au moins j’avais une identité qui me convenait, une place et j’étais bien.
Du coup, je vais conserver cette identité jusqu’à un autre tournant de ma vie. Mais il vous faudra attendre le chapitre 2 pour savoir lequel…
Je suis convaincu que ce processus n’est pas réservé aux Poulpes et qu’une grande majorité des enfants sont concernés.
Ce qui semble particulier dans mon cas, ce que j’ai fait plus que me camoufler. J’ai séquestré le Poulpe et je l’ai rendu coupable de toutes mes souffrances. Je l’ai mis dans un bocal et j’ai tenté de le cacher. Je l’ai tant accablé, qu’aujourd’hui encore, je fais des efforts pour en parler en public.
Au lieu d’être un Poulpe assumé et de rechercher la compagnie de mes congénères, j’ai fait tout mon possible pour paraître « normal ». J’ai revêtu une apparence de mec normal, un peu cancre…Cancre, un comble pour un enfant surdoué. D’ailleurs personne n’y comprenait rien. Je me rappelle qu’autour de moi certains remettaient en cause les résultats des tests. Les seules choses dans lesquelles je réussissaient étaient très éloignées de l’école.
Ce rôle de « gentil pas futé » est devenu mon identité…mon premier faux-self. Et cela va le rester jusqu’à ce que je renc…(vous le serez dans le chapitre 2) bien des années après.
Je pourrais penser que j’ai gâché mon potentiel et avoir des regrets. J’avais les capacités d’être bon élève et je ne les ai pas utilisées (sur ce coup là, les profs avaient vus juste). Ou plutôt je les ai utiliser pour « passer entre les gouttes » et continuer ma route « tranquilou bilou ».
C’est exactement ce que je me suis mis à penser lorsque que je me suis résolu à exploiter mes capacités (voir chapitre 2). Et j’ai eu des regrets.
Mais quelle était la situation à cette époque ?
A ce moment là, il était plus important pour moi d’être accepté que d’être bon élève. Un Poulpe adulte, ça vie dans l’océan, au milieu de l’immensité. Si un endroit ne lui convient pas, il peut choisir d’en trouver un autre qui soit plus confortable.
Mais un Poulpinio (enfant Poulpe), ça vie dans un bocal avec les autres enfants et ça ne peut pas s’échapper. Pas le choix, il faut faire avec!
Je peux te le dire aujourd’hui : compte tenu de la situation, j’ai fait ce qu’il y avait de mieux à faire.
Je me suis adapté pour survivre. Pour traverser cette période dans de bonnes conditions. Et d’après mes proches, c’est à ce moment-là que je suis sorti de la mélancolie. Celle dans laquelle j’ai plongé à la fin du cycle élémentaire !
Donc au final, c’est une bonne chose. Je dirai que c’est une des capacités du poulpe, le camouflage, l’adaptation ! Et la bonne nouvelle, c’est que le faux-self est réversible…et quand on est « plutôt Poulpe » on a des prédispositions à faire et aussi à défaire.
Je fais une nouvelle lecture de mon passé et je n’ai aucun regret. Je n’ai pas gâché mon temps, j’ai simplement tracé mon chemin du mieux possible.
Les choses auraient-elles pu se passer autrement ?
Peut-être! Certainement! J’aurais peut-être pu m’éviter certaines souffrances mais aussi certains bonheurs ainsi que certaines rencontres. De celles qui ont compté. Car il y en a eu. Je n’ai pas été un bon élève, mais la vie ne se résume pas juste à ça. Et bon élève, j’ai pu l’être par la suite…
Si je suis suffisamment attentif et que j’ose regarder mon passé avec confiance et indulgence, je peux m’en nourrir et en tirer une grande force. J’ai été capable de me métamorphoser pour me camoufler et m’adapter à mon environnement. Je peux aujourd’hui apprivoiser cette faculté et l’utiliser de manière consciente. Non pas pour me camoufler, mais pour être efficace et réaliser mes rêves!
Je pense que c’est une des choses les plus importante que j’espère pouvoir léguer à Poulpinio et Poulpiniotte.
« Merci mon faux-self ».
C’est grâce à toi que j’ai survécu à cette période délicate. Aujourd’hui cette fausse identité n’est plus nécessaire. Je suis devenu capable de poursuivre ma vie en temps que Poulpe !
Spéciale dédicace pour ma coach, qui me pousse à emprunter cette voie du Poulpe !


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